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03 avril 2017

L'immeuble Christodora de Tim Murphy





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L'immeuble Christodora de Tim Murphy
Parution le 5 janvier 2017
Editions Plon

570 pages

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New York. Milly et Jared, couple aisé animé d'ambitions artistiques, habite l'immeuble Christodora, vieux building de Greenwich Village. Les habitants du Christodora mènent une vie de bohèmes bien loin de l'embourgeoisement qui guette peu à peu le quartier. Leur voisin, Hector, vit seul. Personnage complexe, ce junkie homosexuel portoricain n'est plus que l'ombre du militant flamboyant qu'il a été dans les années quatre-vingt.

Mateo, le fils adoptif de Milly et Jared, est choyé par ses parents qui voient en lui un artiste. Mais le jeune homme, en plein questionnement sur ses origines, se rebelle contre ses parents et la bourgeoisie blanche qu'ils représentent.

Milly, Jared, Hector et Mateo, autant de vies profondément liées d'une manière que personne n'aurait pu prévoir. Dans cette ville en constante évolution, les existences de demain sont hantées par le poids du passé.


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Ce que j'en pense

Je remercie Valérie et les éditions Plon pour leur confiance et pour l'envoi de ce livre.

L'immeuble Christodora est une belle brique littéraire, typique de celles qui soutiennent les immeubles New-Yorkais. Ce livre est le porte parole de cette immeuble implanté en plein cœur de la grosse pomme et qui va voir les années s'écouler, la ville changer et ses occupants se succéder et vivre et subir une vie qui ne leurs fera aucune concession.

Tout va commencer dans les années 1980 et s'achever en 2021. Les personnages que Tim Murphy met en scène dans son livre sont le reflet de cette société changeante qu'est la nôtre. Égoïste, peureuse, apte à juger, cette société est portée par trois personnages principaux et de nombreux secondaires.

Jared et Milly, bourgeois et bohèmes, vont se chercher puis se trouver avant de devenir des habitants de Christodora. Le temps fera son œuvre sur eux avant de leur offrir l'occasion de devenir parents avec l'arrivée de Matteo, leur fils adoptif.

C'est au travers de leur vie respective et commune avec les personnages secondaires que Tim Murphy va dépeindre une Amérique mise à nue, sans aucunes fioritures pour enjoliver la réalité brute. Les années SIDA
la pauvreté sociale, les ravages de la drogue, l'homosexualité vécue au grand jour, l'évolution de la société au détriment de ce(ux) qui la compose.

L'immeuble Christodora est un livre lourd, parfois difficile à appréhender tant il a à dire. Les mots de Tim Murphy sont portés par les voix de tous les personnages qui composent ce roman et qui veulent crier leurs vérités,leurs peurs, leurs envies, leurs quêtes de mieux.

Le lecteur est trimbalé d'année en année sans ordre chronologique défini puis d'un personnage à l'autre à plusieurs époques de leur vie sans aucune possibilité de reprendre son souffle pour tenter de mieux tolérer la cruelle réalité de la société américaine que l'auteur nous mets devant les yeux. Les mots de Tim Murphy ne sont pas tendres ni enrobés mais au contraire rudes et parfois violents. Ils expriment d'une manière cristalline ce que « l'évolution » de la société américaine au fil des années a fait subir à des hommes et des femmes qui ne demandaient qu'une seule chose: vivre pleinement et entièrement sans jugements ni rejets.

Percutante, cette fresque de la vie New-Yorkaise déroulée sur plusieurs décennies ne laissera aucun lecteur indifférent. Par certains côtés, cette fresque reflète des pans de la société actuelle. La vie des personnages peut faire échos à certaines existences. Cette lecture m'a parfois perdue au détour d'une rue mais je terminais toujours par retrouver mon chemin vers Christodora, cet immeuble pilier dans la vie des personnages et du lecteur.

Criant de réalisme et de vérité, ce livre est un rappel des failles de la société passée et actuelle et on ne peut rester insensible face aux lourds sujets qu'il aborde.


Extrait du livre et notation

" Le jour où les émeutes se déclarent pour la première fois, l'une d'une belle nuit d'août, Jared était à l'appartement du Christodora. C'était en plein été 1988, juste après sa première année de faculté. Il était en train de boire des verres et de fumer de l'herbe avec ses amis du lycée, glosant sans fin sur les qualités de " Surfer Rosa " des Pixies, un titre qu'ils étaient en train d'écouter. Tous essayaient de se rafraîchir dans la torpeur moite de l'été, accoudés à la fenêtre ouverte qui donnait sur le parc, transformé en scène apocalyptique. Les phares de la police tournoyaient dans la pénombre humide du soir, les sirènes feulaient, des hordes de skinheads dépoitraillés allaient et venaient, surgissant des buissons, des voix indistinctes hurlaient dans des porte-voix et des jeunes gens chargeaient les forces de l'ordre avec des pancartes en vieux draps de lit affichant des slogans anti gentrification. Le cœur de l'action se déroulait de l'autre côté du parc, sur l'Avenue A, et Jared et ses amis considéraient que l'agitation en bas de chez eux était plus une diversion qu'autre chose, revenant à ce spectacle de temps à autre, comme on change de chaîne de télévision, au milieu de leur babil enfumé et imbibé sur l'art et la politique. Au plus profond de lui-même, Jared brûlait de fierté que sa famille ait été assez branchée pou avoir acquis un appartement au beau milieu du brouhaha d'East Village, bien loin de l'Upper East ou de West Side, là où lui et ses amis avaient grandi. Mais, bien évidemment, il ne l'avouerait à personne. "

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